Le 11 septembre 1973, quatre généraux aidés par les États-Unis guident le coup d’État au chili qui va renverser le Président Salvador Allende élu par le peuple en 1970.
L’un d’eux, Augusto Pinochet, chef de l’armée de terre, s’apprête à prendre le pouvoir par la force pour dix-sept années.
Ces dix-sept années de règne du despote chilien ont débuté dans le sang.
Des milliers de personnes sont arrêtées, soupçonnées d’organiser la lutte armée, dont Victor Jara, qui est emmené au stade l’Estadio Chile transformé en centre de détention avec 6.000 autres prisonniers le 12 septembre.
Commencent alors quatre jours de torture et de sévices.
Les prisonniers étaient séparés par sexe, les femmes enfermées dans l’enceinte de la piscine, et les hommes sur les gradins du terrain de foot.
La nuit, ils dormaient dans les vestiaires du stades dans des conditions très dures : serrés les uns contres les autres, pas de matelas au sol, très peu de couvertures, obligés de piétiner leurs camarades pour se rendre aux toilettes. Le vélodrome et les tribunes servaient pour les interrogatoires.
Des femmes furent torturées dans les tribunes présidentielles par décharges électriques, battues, violées.
Les hommes étaient conduits au vélodrome les yeux bandés ou entièrement cachés sous des couvertures. Ils étaient brûlés, torturés avec la technique de la “camillas” (allongés sur des sommiers métalliques parcourus de décharges électriques), pendus et frappés.
Les hauts-parleurs du stade diffusaient alors en boucle les Beattles ou les Rolling Stones pour que la population vivant alentour n’entende pas les cris des prisonniers.
Cela fait 50 ans aujourd’hui, soit le 16 septembre 1973 le chanteur populaire socialiste fut l’une des premières victimes des tortures et massacres perpétrés par le régime dictatorial Chilien.
En 2009, le corps du chanteur de V. Jara a été exhumé, laissant apparaître les stigmates des quarante-quatre balles l’ayant emporté.
Et c’est seulement en 2013, que la justice chilienne a condamné huit militaires à de la prison ferme, dont Pedro Barrientos Núñez, ancien lieutenant de l’armée chilienne sous le régime d’Augusto Pinochet vivant aux États-Unis .
Durant les quarante années qui suivent, Victor Jara devient un symbole de la lutte socialiste chilienne et de la violence du régime de Pinochet.
En France, de nombreuses chansons sont écrites en son honneur, notamment «Le bruit des bottes» de Jean Ferrat ou «La Samba» de Bernard Lavilliers et Julos Beaucarne «Lettre à Kissinger» dont voici les paroles.
J’veux te raconter, Kissinger, l’histoire d’un de mes amis
Son nom ne te dira rien, il était chanteur au ChiliÇa se passait dans un grand stade, on avait amené une table
Mon ami qui s’appelait Jara, fut amené tout près de làOn lui fit mettre la main gauche sur la table, et un officier
D’un seul coup avec une hache, les doigts de la gauche a tranchésD’un autre coup, il sectionna, les doigts de la dextre et Jara
Tomba, tout son sang giclait, 6 000 prisonniers criaientL’officier déposa la hache, il s’appelait peut-être Kissinger
Il piétina Victor Jara “chante” dit-il, “tu es moins fier”Levant les mains vides des doigts, qui pinçaient hier la guitare
Jara se releva doucement “faisons plaisir au commandant”Il entonna l’hymne de l’U-, de l’Unité Populaire
Repris par les 6 000 voix des prisonniers de cet enferUne rafale de mitraillette abattit alors mon ami
Celui qui a pointé son arme s’appelait peut-être KissingerCette histoire que j’ai racontée, Kissinger, ne se passait pas
En 42 mais hier, en septembre 73.
Encore aujourd’hui, la justice chilienne attend l’extradition de plusieurs militaires retraités établis à l’étranger et supposément responsables des massacres de 1973. En attendant, l’Estadio Chile a été renommé Estadio Victor-Jara, en hommage au chanteur résistant.